05 juin 2022

Nar Touré dit tout...

 «J’ai terrassé Modou Lô en Mbapatt»

«Je suis le sacré champion des 72h de Mbaye Guèye»

«Le CNG doit se muer en Fédération de lutte»

«Je veux voir ce que Forza vaut en frappe»

Nar Touré (Archives)

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e fils de Feu Toubabou Dior s’est éloigné de l’arène mais ne l’a point quittée. Nar Touré le Démolisseur des Maristes, avec ses 1m99 pour 140 kg entend faire son come-back avec un choc contre Forza de Fass-Ndakaru. 11 ans qu’il ne noue plus le nguimb certes, mais 11 ans qu’il est toujours à l’écoute de l’arène et son évolution. Sans ambages, Nar Touré le sacré champion des 72h de Mbaye Guèye dit tout.

11 ans que vous avez quitté l’arène. Quelle appréciation vous en faites aujourd’hui ?

Effectivement, j’ai disputé mon dernier combat le 18 mars 2011. C’était contre Ablaye Wade de l’écurie Mor Fadam. Une belle victoire. Et c’est après cela que je suis venu au pays de l’Oncle Sam. 11 ans effectivement. Mais je n’ai pas quitté pour autant la lutte. Comme vous le voyez, je m’entraîne régulièrement en attendant un combat, une proposition des promoteurs. Force est de reconnaître que derrière moi, beaucoup de jeunes ont éclot, beaucoup ont aussi disparu, mais l’arène suit toujours son cours.

Out durant 11 ans d’affilé, n’est-il pas un handicap majeure ?

Pas du tout puisque je m’entraîne régulièrement comme je vous l’ai dit d’entrée. Peut-être que le sérieux, l’enthousiasme qu’on accorde à une vraie préparation de combat n’est pas au rendez-vous. Mais il faut juste une rectification pour tout cadrer en direction d’un combat. Donc je peux lutter même demain. En outre mon départ aux Etats Unis à cette époque était aussi une question de survie pour moi. J’avais vu à l’avance que la lutte prenait du recul avec la disparition du CLAF de Gaston Mbengue, les cachets qui grimpaient, certains promoteurs qui ciblaient leurs lutteurs au détriment de nombreux autres, le chômage qui pointait. J’ai jugé bon de partir aux USA où il y a indéniablement beaucoup d’opportunités pour un jeune de mon âge. Après mon combat contre Ablaye Wade, j’ai pris mon billet et vous connaissez la suite. Il y a aussi un autre facteur qui m’a maintenu loin du pays, c’était mon statut ici. Je ne vivais pas dans l’illégalité comme certaines personnes, mais je ne pouvais pas sortir non plus. Mais aujourd’hui, Dieu merci, je suis en phase avec toutes lois de ce pays et mon nouveau statut actuel me permet de faire de multiples entrées et sorties sans problème. L’an passé j’étais au Sénégal, je peux y retourner demain si je veux. J’aimerais aussi rappeler que mon combat contre Juan Espino le Lion Blanc était ficelé par le promoteur Amadou Badiane. Mais après, tout est retombé à l’eau je ne sais pas pourquoi. Et jusqu’à ce jour, je n’ai aucune nouvelle du promoteur en question.

Donc les USA, c’est l’Eldorado alors ?

Oui, on peut le dire. C’est l’Eldorado pour les travailleurs sérieux. Tu sais d’où tu viens, tu sais où tu vas et ce que tu veux. On peut s’en sortir ici. De nombreux lutteurs ont eu leur point de chute ici après avoir quitté le Guéw. Ils ont tous quelque chose à faire et en marge de cela, ils s’intéressent aux MMA. Ici aussi tout se côtoie. La dualité de la vie est également ici. Maladie et santé, vie et mort, pauvreté et opulence. Bonheur et malheur. Certains lutteurs sont décédés ici, d’autres se retrouvent en prison. Ainsi va la vie.

L’arène perd ses promoteurs, ses sponsors et ses lutteurs. Qu’est-ce qui explique cela ?

Comme je l’ai brossé un peu plus haut, j’avais vu venir ce phénomène depuis longtemps. Voyez-vous, le CLAF a fait des heureux parmi les lutteurs. J’y ai participé. On était tous des millionnaires car le promoteur a payé gracieusement les mbeur. Mais peu après, cela a été un couteau à double tranchant puisque les lutteurs ont commencé à en demander trop, les promoteurs ont commencé eux aussi à batailler pour obtenir les combats exclusifs de certains lutteurs. Les sponsors qui nous portaient n’avaient peut-être plus les reins solides pour continuer à accompagner la lutte. Conséquences; de moins en moins de combats. Ce gros flux de lutteurs laissés à quai s’est retrouvé au chômage. Qui de chercher un visa pour les USA, qui de se reconvertir sur place dans un autre domaine d’activité en attendant. C’est le branle-bas total. Nombreux sont ici aux USA, d’autres en Europe. Mais Dieu merci, de nombreux autres promoteurs sont restés malgré tout. Ils ont reçu l’accord favorable de certains sponsors et personnalités politique qui les accompagnent. Il faut saluer cela. L’arène a connu des soubresauts certes, mais l’amour du sport national a prévalu. Depuis des décennies le rêve de voir une arène nationale a été réalisé. Le pays est doté d’une aire entièrement dédiée à la lutte. Ça également est à saluer. Et j’aimerais aussi lutter à l’arène nationale. C’est mon souhait.  

Alioune Sarr (CNG) est parti après plus de 30 ans. Que pensez-vous de sa gestion ?

Il a duré à la tête de ce comité de gestion. Mais cela lui a permis de faire du bon boulot car il connaissait les rouages de la structure. Oui Alioune Sarr a bien travaillé, il a jeté les vraies bases de tout le boulot qui se fait au CNG aujourd’hui. La nouvelle équipe par contre doit sortir des chantiers battus pour faire quelque chose de nouveau. Par exemple, l’organisation du titre de Roi des arènes. C’est le CNG qui doit l’organiser pour trancher sur ce point. Le Roi des arènes ne doit pas être n’importe qui. Ce titre ne doit pas s’obtenir n’importe comment. Et Ce ne sont pas les promoteurs qui doivent l’organiser. Le drapeau du Chef de l’Etat est organisé par le CNG, la structure doit aussi organiser le titre du Roi des arènes. Le CNG doit aller au-delà de cela et finir avec cette histoire de Comité de gestion qui dure depuis plus de 30 ans, pour vraiment asseoir une Fédération sénégalaise de Lutte. La lutte est indéniablement l’une des vitrines du Sénégal, le pays mérite ça, les lutteurs le méritent également. Avec une fédé, on aura des compétitions éclatées, des régionales et certainement un championnat national, aboutissement d’une saison de lutte. Il faut sortir la lutte de l’informel. Alioune Sarr a jeté les bases, les autres doivent porter plus haut le challenge avec des idées novatrices. Certains journalistes de Sunu Lamb ont déjà interpelé le CNG sur ces points. Je veux dire l’organisation de la compétition relative au titre de Roi des arènes, la Fédération sénégalaise de lutte et les championnats. Sunu Lamb en a déjà parlé et ce sont des points très intéressants.

Vos adversaires potentiels…

Ils sont nombreux. Et Forza sort du lot. J’aimerais vraiment le rencontrer en lutte avec frappe. Je l’ai battu deux fois de suite en mbapatt, lors des 3 éditions de la compétition « Les 72h de Mbaye Guèye». J’aimerais voir ce qu’il vaut en frappe. Feu Mbaye Guèye organisait cette compétition chaque année à Fass Mbao. Les Balla Gaye 2, Modou Lô, Sa Thiès et bien d’autres y prenaient part. J’ai eu à terrasser Modou Lô en demi finale lors d’une édition. En somme, sur 3 éditions, j’ai remporté 2 fois et j’ai été finaliste malheureux une fois. Ça veut dire ce que ça veut dire. De nombreux amateurs ne savent pas cela. Modou Lô, Balla Gaye 2 et Sa Thiès savent de quoi je parle.

Le temps passe, les anciens s’en vont, les jeunes prennent leur place. Vous n’avez pas peur ?

Peur de vieillir ou de mourir ? Ni l’un ni l’autre car on est appelé à quitter l’arène et même ce monde un jour ou l’autre. Pape Kane, Falaye Baldé, Mor Fadam, Toubabou Dior (mon père), Mbaye Guèye, Boy Bambara, Double Less et bien d’autres sont partis. Ils ont apporté beaucoup à ce sport. Ils nous ont éclairés, ils nous ont guidés, ils nous ont légués ce sport. Voilà pourquoi leurs enfants prennent leur place et de la plus belle des manières d’ailleurs. Quand vous regardez la configuration de l’arène, vous verrez que les enfants d’anciens lutteurs ne se laissent pas faire. Ils tentent d’occuper les places de devant. Balla Gaye 2, Sa Thiès, Boy Niang 2, Diène Kaïré et bien d’autres sont fils d’anciens lutteurs. Nous sommes la relève et nous passerons aussi le flambeau à nos enfants. On a le devoir de perpétuer cette tradition ancestrale qu’est la lutte.

Mamadou Koné, East Hanover-New Jersey (USA)

Extrait de Sunu Lamb

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