Les lutteurs les plus frustrés de leur génération

Tapha Tine, Lac 2, Gris Bordeaux

Gris Bordeaux (Écurie Fass)

Ê

tre un grand champion, c’est agir de telle sorte à faire l’unanimité sur son talent, générer de gros cachets, agrandir sa popularité, porter son école de lutte ou écurie au firmament. Mais c’est aussi et surtout s’asseoir un jour dans le fauteuil de Roi des arènes. C’est la consécration, c’est le souhait de tous. Certains ont eu cette chance, mais l’ont bafouée par des prestations en dessous de la vraie estime qu’on leur accorde et demeurent frustrés parmi leurs camarades promotion.

Tapha Tine, la déception

Ce lutteur, sociétaire de Baol Mbollo a tout pour être le Roi des arènes. A le regarder, on voit en lui une force bestiale, une force de la nature lui permettant de casser tous les obstacles sur son chemin pour brandir le sceptre de l’arène. Hélas, au-dessus de ses 1m98 pour 125 kg, Tapha Tine est paradoxalement amorphe. Il n’arrive pas à produire les 20% de ses potentialités et laisse toujours ses supporters et amateurs sur leur faim. L’étincelle, ce sursaut de folie qui permettent de faire la différence, n’arrivent toujours pas. Manque de confiance en soi ? Carence en technique ? On ne sait pas.

Il a eu sa chance. Il a croisé un Roi des arènes et tous voyaient en lui ce premier challenger qui pouvait déloger Balla Gaye 2 (Balla Gaye) fraichement Roi. Que Nenni. Ce 2 juin 2013 lors du combat royal, le Géant du Baol a déçu tout le monde par une prestation honteuse. Il fuyait carrément le combat et sortira plusieurs fois du Guèw. Cette attitude contrastait fâcheusement avec tous les shows et discours guerriers tenus lors des signatures de contrats à Dakar et en France (Bercy). Tout ça pour ça !

Il fut bastonné et jeté au sol. «Je ne voyais pas l’adversaire » lança-t-il après pour légitimer cette lâcheté au combat. Il ne voyait pas Balla Gaye 2 ? Soit.

Pourtant il balançait les bras en face de lui. Pourtant il reculait et sortait de l’enceinte du combat à plusieurs reprises et parviendra même dans le feu de l’action, à asséner un uppercut au Roi des arènes. Un combat à sens unique. Quelle honte !

Battu par Ama Baldé lors du tournoi TNT, ce géant aux pieds d’argile et au courage de coq, s’est éloigné du titre de Roi des arènes. Il est frustré aujourd’hui de voir la jeune génération plus conquérante, plus brave et plus apte à ce titre.

Lac 2, amoul xorom daara !

Sociétaire de Walo, ce jeune lutteur a fait ses preuves lors du mini championnat de Gaston Mbengue où il se montra tout feu, tout flamme. C’est de là qu’il bénéficia de l’appellation le Puncheur du Walo. Mais en réalité, Lac 2 est tout sauf un puncheur. A dire vrai, il n’est ni technicien, ni puncheur. C’est juste quelqu’un qui a gravi des échelons pour se retrouver où il est sans trop convaincre sur sa vraie valeur intrinsèque à développer une technique de combat pour battre un poids lourd. Il a fini par habituer les amateurs aux verdicts insipides, aux duels sans attraction et sans piment ni sel. Les combats perdus de certains de ses promotionnaires valent mieux, en termes d’attractions, d’actions, d’ambiance, de montée d’adrénalines que les combats remportés du sociétaire de Walo. Tant et si bien qu’il n’a pu encore croiser un Roi des arènes pour prétendre au titre.

Lac 2 n’est pas puncheur, on n’a point en mémoire les combats où il a usé de ce punch. Il n’est pas non plus technicien comme certains, car on dénombre moins les batailles où il a fait valoir cette technique. Lac 2, amoul Xorom Daara. Il faut avoir le courage de le dire. Il doit se revoir et se repositionner par rapport à l’estime dont il bénéficie ! Sinon qu’il demeurera frustré et se maintiendra toujours aux antipodes des batailles pour la couronne de Roi.

Gris Bordeaux, le Tigre le plus contre performant

Le 3^ème Tigre de Fass est différent. Gris Bordeaux est feu et flammes. Il n’a pas la frappe lourde comme certains, mais demeure un bon bagarreur. Seulement, il était habitué aux politiques de raccourcissements, aux stratégies de choix d’adversaires. Du coup, il avait fini par se surestimer au point de se prendre pour son propre Roi des arènes sans preuves. Il a eu le mérite de battre Lac 1 (Walo) vieillissant, un Bombardier (Mbour) mélangeant vitesse et précipitation. Toute sa carrière durant, il refusera d’accorder une revanche à Bombardier. Il avait refusé de croiser des jeunes comme Balla Gaye 2 et Lac 2 qui montaient en puissance «Qu’ils aillent faire leurs preuves comme je l’ai fait» débitait-il tout le temps jusqu’à ce que Lac 2 et Balla Gaye 2 clouent Moustapha Guèye son mentor pour que le 3^ème Tigre daigne ouvrir le jeu. Pourtant en dépit de ses contreperformances incroyables, Fass faisait tout pour le faire avancer juste avec l’aura de l’écurie, la poigne du staff, le nom de Mbaye Guèye et Tapha Guèye. Il avait même été catapulté sans raison apparente devant Yékini le Roi des arènes le 26 juillet 2009 pour un combat royal alors que le 3^ème Tigre croulait sous les défaites. Bien entendu, il sera lamentablement battu par Yakhya Diop qui n’a même pas forcé son talent pour faire plier un combattant monté de toutes pièces avec des éloges.

Depuis, Gris Bordeaux court derrière ce titre de Roi des arènes. Fass ne peut plus placer des pions pour qu’il ait l’opportunité de croiser un autre Roi juste après son petit déjeuner au lit.

Mamadou Koné, New-York (USA)