Aout 2020 et Mai 2021
Colonel Assimi Goïta |
N |
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mois après avoir poussé à la démission le président Ibrahim Boubacar Keïta,
l’officier a réédité la manoeuvre avec le président de transition Bah N’Daw.
Le
mystère est en partie levé. En partie seulement. Neuf mois après avoir quitté
les opérations militaires dans le centre du Mali pour faire irruption sur la
scène politique de Bamako, Assimi Goïta demeurait jusqu’ici une énigme.
La
personnalité comme les ambitions de celui qui mena le coup d’Etat contre le
président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en
août 2020, restaient largement dissimulées. Le cache-cou censé le protéger
du Covid-19 semble être devenu son meilleur outil de communication.
L’instrument idoine pour conserver le silence et donc maintenir les
interrogations.
Les fonctions de vice-président,
chargé des questions de défense et de sécurité, qui lui ont été attribuées un
mois après le putsch du 18 août n’ont pas rendu l’officier des forces
spéciales plus prolixe, ni situées ses intentions pour l’avenir. Ces derniers
jours ont cependant dévoilé sa méthode de gestion des conflits politiques et
ont confirmé la mainmise que lui et ses partenaires de putsch entendent
conserver sur la période de transition engagée après le renversement d’IBK.
Le
masque est tombé le 24 mai après l’officialisation d’un remaniement
ministériel, mettant sur la touche les colonels Sadio Camara et Modibo Koné,
deux des ministres qui avaient participé au coup d’Etat à ses côtés. Sous le
prétexte qu’il n’avait pas été consulté au préalable, « une violation de
la charte de la transition » selon lui, Assimi Goïta a
alors fait arrêter, puis poussé à la démission le président Bah N’Daw et le
premier ministre Moctar Ouane, tous deux nommés pour donner une couleur civile
à cet intervalle de dix-huit mois devant aboutir à de nouvelles élections.
« Nouveau
coup d’Etat »
Le
voilà donc à 38 ans en pleine lumière. Une deuxième fois. Mais ce nouveau
pronunciamiento en moins d’un an l’expose au feu des critiques et des
sanctions. En août 2020, les pays de la région, les instances africaines
et les partenaires occidentaux, dont la France, passées les rodomontades de
circonstances, avaient accueilli avec une relative bienveillance le coup de force
des militaires contre un pouvoir à bout de souffle.
La
rue de Bamako applaudissait ces cinq officiers qui prétendaient avoir « pris [leurs] responsabilités » pour
mettre un terme à « l’anarchie » et à « l’insécurité ».
Les médiateurs régionaux avaient tout juste dû rappeler au colonel Goïta que la
tête de la transition lui était interdite, qu’il ne pourrait pas remplacer le
président qu’il avait pourtant largement choisi et qu’une mise à la retraite
express ne faisait pas de lui un civil acceptable pour diriger le pays.
« La première fois, on a
fait en sorte de le contenir. Mais, là, aucun président de la région ne peut
accepter ce nouveau coup d’Etat. Bah N’Daw a peut-être commis une faute en
effectuant ce remaniement, mais Goïta n’a aucun argument pour le
démettre »,
estime le sherpa d’un chef d’Etat d’Afrique de l’Ouest. Selon lui, « l’absence de condamnation du putsch au
Tchad l’a sûrement incité à agir mais, là, un tour de vis s’impose pour que le
système soit verrouillé jusqu’à la fin de la transition ».
Après
la vague de condamnations internationales (Union africaine, Union européenne,
Etats-Unis, France), la réunion des chefs d’Etat de la région, prévue dimanche
30 mai au Ghana, pourrait s’avérer décisive. Les principales menaces pour
le Mali sont une fermeture des frontières terrestres, essentielles pour le
ravitaillement de ce pays enclavé, et de la banque centrale par l’Union
économique et monétaire ouest-africaine, qui étoufferaient économiquement le
régime, mais aussi la population.
Calme,
austère, discret
Sous
la pression, l’entourage de celui qui occupe de facto pour la deuxième fois la
tête de l’Etat plaide la patience et l’indulgence. « Assimi Goïta assume les
fonctions de président en attendant qu’un nouveau président soit nommé. On ne
peut quand même pas laisser le pays sans tête », avance
l’un de ses conseillers. Jusqu’à quand ?
Réputé calme, austère, aussi discret que la tête du putsch de 2012 – le capitaine Amadou Haya Sanogo – était fantasque, Assimi Goïta, qui n’a jamais quitté son treillis de combat et apprécie de se mettre en scène au côté de la troupe, peut encore se prévaloir du soutien apparent de l’armée.
Aucun mouvement n’a été jusque-là noté pour résister à ce deuxième coup de force. Il faut dire que celle-ci a été bien servie ces derniers mois. Les nominations de hauts gradés à des postes de gouverneur, de directeur d’institution publique ont en effet donné le sentiment à bon nombre de Maliens que les militaires s’accaparaient l’ensemble des leviers du pouvoir.
Peut-être « prisonnier » de
ceux qui l’ont placé au-devant de la scène comme le pensent plusieurs sources
qui l’ont approché ces dernières semaines, Assimi Goïta, « le
pur opérationnel », « l’homme de
terrain », toujours entouré de ses soldats du Bataillon
autonome des forces spéciales, est désormais devenu un acteur politique à part
entière.
Son
admiration pour le mythique capitaine burkinabé Thomas Sankara, ses rencontres
avec le charismatique ghanéen Jerry Rawlings pourraient laisser poindre des
ambitions hors du terrain militaire pour l’avenir. A moins qu’il ne soit déjà
trop tard et que ce deuxième coup fut pour lui le coup de trop.
Le Monde
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