Et
si les promoteurs étaient eux-mêmes les fossoyeurs de la lutte ?
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ne crise financière sévit en lutte avec frappe, les gros cachets ont épuisé
les mécènes de l’arène qui n’en peuvent plus. En particulier ceux qui sont
passés maîtres dans l’art de monter les chocs les plus inédits avec les
lutteurs les plus renommés du pays. Pour une raison ou pour une autre, certains
promoteurs ont déjà quitté le milieu, d’autres se préparent à dénouer et à
jeter leur Nguimb pour toujours. Mais
à bien y réfléchir, cette crise financière est la résultante de la bataille
larvée que se livraient ces mécènes qui n’ont pu trouver le juste milieu pour policer
le milieu. Ils ont créé de toutes pièces leurs propres monstres car les
lutteurs sont devenus plus exigeants. Sciemment ou inconsciemment, ils ont scié
la branche sur laquelle ils étaient tous assis…
La saison de
lutte 2013-2014 a refermé ses portes aussi timidement qu’elle avait débuté. La
frénésie qui agitait les promoteurs, les saisons précédentes, s’est bien estompée.
Tous, sans exception, ont traîné le pas quant au montage des grandes affiches, car ils semblent financièrement épuisés. Certains annoncent
leur retrait de l’arène, de nouveaux feront leur apparition, mais avec ce
modèle économique obsolète où ils injectent beaucoup de sous sans pouvoir le
rentabiliser, pour sûr, ils n’iront pas bien loin.
Gaston et Luc Nicolaï…
Luc Nicolaï et Gaston Mbengue |
Un simple regard dans le rétroviseur
nous replonge dans le mini championnat de lutte avec frappe (CLAF) qu’avait
initié le promoteur Gaston Mbengue en 2006. Même dans leurs rêves les plus fous,
certains lutteurs qui y avaient pris part, n’imaginaient pas empocher d’aussi
grosses sommes. Gaston Mbengue les avait gracieusement payés avec des cachets
de vingt millions. Cela s’est poursuivi lors du CLAF 2007-2008. Avec 11 poules
et 44 lutteurs, le Don King de l’arène avait animé l’arène à coups de millions.
Cela avait aussi séduit d’autres promoteurs qui ont voulu faire comme lui. Et,
pour montrer leur force de frappe financière, les «rivaux» Gaston Mbengue et
Luc Nicolaï n’hésitaient pas à déposer sur la table, des cachets incroyables. «Quand
deux éléphants se battent, c’est l’herbe, qui est en bas, qui en souffre»
dit l’adage. Mais, dans l’arène, quand deux promoteurs se battent, ce sont les
lutteurs qui sont bien servis. L’on n’oubliera pas le montage des combats Modou
Lô / Lac 2 et Yékini / Tyson. D’un côté Luc Nicolaï surnommé promoteur du
Continent, qui déclare: «J’ai versé un cachet de 60 millions à chaque
lutteur, mais j’ai encore fait des rallonges de 15 millions pour le porter à 75
millions pour chacun.» De l’autre côté, Gaston Mbengue, le promoteur du
Peuple, qui, à la faveur du retour de Tyson (Boul Faalé) dans l’arène après
trois (3) ans de sanction du CNG, le coopte contre Yékini (Ndakaru) et leur
donne, pour la première fois dans l’histoire de la lutte, un cachet de 100
millions FCFA…
C’est quoi un lutteur VIP ?
Combat Balla Gaye 2 / Modou Lô (archives) |
Cette bataille des promoteurs a eu pour
conséquence la flambée des cachets. Et pourtant, aucun de ces promoteurs ne
pourrait rentabiliser un seul de leurs combats avec la seule billetterie de
Demba Diop ou du stadium Iba Mar Diop. Les ressources additionnelles
provenaient des sponsors qui les accompagnaient. Il s’agissait en grande partie
d’Orange et de Tigo, les plus en vue à l’époque. Mais ces sponsors ont disparu dans
la nature après quelques années. Conséquence : Gaston Mbengue a du mal à
poursuivre son programme CLAF. Revenu sur terre, le Don King a essayé de
ramener ses pairs et les lutteurs à la raison, en vain. «Je ne veux pas
mettre ma famille en danger à cause de la lutte. Il faut que les lutteurs
revoient leur prétention. Il faut qu’ils soient raisonnables…Il faut plafonner
les cachets… » Hélas, il lui était difficile de retirer la cuillère dorée
qu’il avait plongée dans la bouche de nombreux mbeur désormais appelés
lutteurs VIP.
Sentant venir le danger avec la rareté
des sponsors, les mécènes de l’arène se regroupent en collectif. Seulement,
n’ayant pas la même vision et la même philosophie, ces accords se sont très
vite effrités et les gros cachets ont rappliqué pour atteindre 120 voire 130
millions. Les promoteurs comme Aziz Ndiaye, Assane Ndiaye, Prince et bien d’autres,
ont hérité d’une situation déjà préétablie par leurs aînés…
Orange et Tigo dénouent leur nguimb
Mais les sponsors sur qui comptent ces
promoteurs sont parfois très volatiles. Ils peuvent donner 500 millions, 800
millions, voire 1 milliard, mais ne s’inscrivent pas dans la durée. Ils ont,
eux aussi, d’autres visées, d’autres terrains qu’ils convoitent surtout quand
ils savent qu’ils ont eu satisfaction. Il n’est écrit nulle part que tels ou
tels produits sont destinés à accompagner éternellement la lutte.
Les sponsors disparaissent, et nos
braves promoteurs qui, jusqu’ici, n’ont pu créer et développer d’autres sources
de revenue pour rentabiliser ce qu’ils injectent dans ce sport, pourraient-ils
continuer à payer des cachets aussi faramineux ? La lutte avec frappe survivra-t-elle
à ce modèle économique périlleux ?
A qui la faute ?
Les combats de Balla Gaye 2 (Balla Gaye), Yékini (Ndakaru), Eumeu Sène (Tay
Shinger), Modou Lô (Rock Energie), Tyson (Boul Faalé), Gris Bordeaux (Fass),
Lac 2 (Walo), pour ne citer que ceux-là, sont devenus de véritables montages
financiers. N’importe quel promoteur ne s’y aventure car il faut des centaines
de millions de francs CFA pour les décrocher. Et si on admet que les gros
cachets tuent la lutte avec frappe, alors à qui la faute ?
Koné
Mamadou (New York-USA)
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