06 novembre 2013

Judo : Buet Léa, judokate française vivant au Sénégal

"Pourquoi j'ai introduit une demande de naturalisation..."
 
Buet Léa (Dojo Momar Dieng)


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ensionnaire du Dojo Momar Dieng (DMD), Buet Léa (24 ans), ceinture noire 2ème dan, déborde d’amour pour le Sénégal. Pour joindre l’acte à la parole, elle a introduit depuis décembre 2012 une demande de naturalisation, avec l’accord et le soutien du Comité de normalisation du judo (CNJ).
 Cela, pour défendre les couleurs nationales lors des compétitions internationales. La judokate ambitionne, en effet, de décrocher un titre continental, mondial et une médaille olympique au nom du Sénégal. Elle a également une feuille de route pour booster le judo sénégalais.

Entretien

Où en êtes-vous avec votre demande de naturalisation ?

Il est important que j’explique aux Sénégalais pourquoi je fais une demande de naturalisation. Avec l’appui du CNJ de judo, j’ai, en effet, déposé une demande de naturalisation en décembre 2012. Les membres du Comité m’appuient, d’autant plus qu’ils sont aujourd’hui à la recherche de solutions pour développer le judo, accélérer les efforts déjà consentis depuis le mois de février. Et, je suis prête à mettre mes qualités de combattante au service du Sénégal lors des joutes internationales pour rapporter des médailles. D’ailleurs, je peux dire que je fais déjà partie intégrante de l’équipe nationale du Sénégal, parce que je m’entraîne avec eux depuis longtemps, et ce serait un réel plaisir de les rejoindre pour de vrai. Ce serait également une manière de remercier le Sénégal et les sénégalais pour l’accueil qui m’a été réservé ici.

Que comptez-vous apporter au judo sénégalais ?

Je veux montrer une autre manière de pratiquer le judo. Cela veut dire montrer que des choses sont possibles. Je fais du judo parce que c’est là que je suis douée. Je ne suis pas née avec une cuillère d’argent dans la bouche. J’ai eu des moments très difficiles. Je tiens, toutefois, à le préciser. J’ai de très bons rapports avec la France. Ce n’est pas que je tourne le dos à mon pays d’origine. Non. Seulement, j’ai trouvé ici, au Sénégal, la force de continuer à combattre. J’ai passé quatre (4) ans en équipe de France en cadettes et juniors. J’ai même disputé les championnats d’Europe aux côtés de Teddy Riner en 2005, à Salzburg en Autriche. J’ai remporté les championnats de France en cadettes et j’ai été sur le podium des championnats de France en juniors. J’ai donc un parcours en France et ce n’est pas, non plus, parce que je ne veux plus représenter mon pays. Au Sénégal, on me dira qu’il n’y a pas assez de moyens financiers, qu’il y a un manque d’infrastructures. Mais il y a bien plus ici. Il y a une communauté, un challenge et un potentiel à développer. Et sportivement parlant, c’est immense.

Que faire pour développer le potentiel dont vous parlez ?

Il faut d’abord faire de sorte que chaque athlète s’entraîne dans de bonnes conditions. Arrêtez de toujours faire porter le chapeau des défaites ou les autres choses négatives aux autres. Se remettre en question à titre individuel. Si j’accepte de représenter le Sénégal, c’est que j’accepte toutes ces conditions. Maintenant, si je veux que les choses changent, c’est à moi d’aller chercher les moyens. Mais d’abord, il s’agit de montrer une image positive et les valeurs du sport, le code moral du judo.

Ceci est-il suffisant ?

A côté de la compétition, le côté social et humain du sport est tout aussi important. Il y a 20 ans, le Sénégal avait une bonne image sportive, avait de bons résultats et bénéficiait beaucoup des aides de pays comme la France, le Japon ou encore l’Espagne. Pourquoi aujourd’hui, on ne bénéficie plus de ces soutiens ? Ce n’est pas à moi de répondre à cette question.

Vous œuvrerez donc pour la relance du judo sénégalais ?

Bien sûr ! D’ailleurs, ce n’est pas une relance, car il y a des gens qui sont là, qui y travaillent déjà. On a un potentiel. Il y a Hortense Diédhiou, une grande sportive que j’ai pu côtoyer en France. Une teigne des tatamis, très motivée. Je ne sais pas où elle cherche sa force. Mais en tout cas, elle se donne les moyens d’y arriver. Les plus jeunes doivent suivre son exemple. Il faut de la motivation, mais aussi un esprit de groupe et de la solidarité. J’espère que les futurs athlètes resteront dans le pays. Vous savez, c’est l’élite d’un sport donné qui est la vitrine pour un pays. Si l’élite du judo montre l’exemple, affiche des ambitions fortes, le regard des autorités changera forcément. J’espère qu’on aura plus d’aide et qu’on arrêtera de critiquer à tout va. J’espère aussi que les sponsors se tourneront vers le judo pour mieux le soutenir comme ils le font pour la lutte, par exemple.

Vos ambitions pour les prochaines compétitions…

C’est de ramener une médaille d’or des championnats d’Afrique, et je travaille dur pour ça. Je m’entraîne matin, midi et soir. Les prochaines années, j’ambitionne de figurer dans le top 20 ou top 30 mondial. Et bien entendu, aller aux JO et ramener une seconde médaille olympique au pays. Me donner les moyens d’aller encore plus loin.

Par Mamadou KONÉ

 

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