Thiam Hercule, s'entraîne toujours |
«Bombardier est
un exemple de fidélité en amitié»
«Yékini,
Bombardier, Ndiaga Diop, Pape Cissé… s’entraînaient ensemble»
«J’ai entraîné le
Président Alassane Ouattara, Coumba Gawlo, Amadou Dia Bâ…»
«Quand les
lutteurs deviennent des champions, ils oublient ceux qui les ont aidés hier…»
«Les muscles
saillants de Mame Gorgui Ndiaye m’ont séduit…»
M
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oniteur de salle de gym depuis 1962, âgé
de 69 ans aujourd’hui, Serigne Ibrahima Thiam alias Thiam Hercule, responsable de
la salle de gym le Cercle des Champions
s’entraîne toujours comme un jeune de 20 ans. Doyen des moniteurs du Sénégal,
il déplore la floraison de lieux d’entraînement qui constituent un potentiel
danger pour les lutteurs et bien des sportifs. Compagnon et formateur des
grands noms de l’arène, Thiam Hercule fait savoir que Bombardier de Mbour est
un exemple de fidélité en amitié qu’il tient à louer. Quant aux lutteurs qui ne
veulent pas s’affronter pour telle ou telle raison, le doyen Serigne Ibrahima
Thiam apprend que cela est un frein pour l’évolution de la lutte qui est leur
gagne-pain.
«Les promoteurs sont des pourvoyeurs
d’emplois pour nos enfants»
«Dans l’ensemble, je peux dire que la
défunte saison était bien. Elle était agréable avec beaucoup de combats
disputés. Elle était particulièrement courte, mais le nombre de combats avait paradoxalement
augmenté, cela m’a beaucoup surpris, agréablement bien sûr. Ce qui sous-entend
que de nombreux lutteurs ont combattu, que de nombreux promoteurs ont également
investi pour cela. Ce qui m’a également plu la saison dernière, c’est qu’il y a
eu moins de violences que d’habitude. De nombreux lutteurs se sont comportés de
façon exemplaire. Cela a permis d’éviter certains débordements qu’on voyait
lors des saisons antérieures. Vraiment, il faut saluer et encourager les
promoteurs qui participent au développement du pays à leur manière. Ce sont en
quelque sorte des pourvoyeurs d’emplois pour nos enfants».
«Le CNG doit poursuivre son œuvre
d’assainissement du milieu de la lutte»
«Il faut aussi reconnaître que ce calme
que nous avons connu dans l’arène est dû au travail acharné du CNG de lutte.
Ces gens ont abattu un gros boulot depuis quelque temps. De la dernière
bouteille à la bouffonnerie du mystique, jusqu’à l’éradication de la violence,
Alioune Sarr et son équipe ont travaillé. Les forces de l’ordre ont aussi contribué
à faire baisser la violence dans l’arène. Il était quasiment difficile d’aller
suivre un combat de lutte sans voir des jeunes gens qui s’affrontent. On voyait
des couteaux dans l’arène, des cornes, des gourdins. Tout ceci pour s’affronter
après. De nombreux jeunes ont perdu leur vie comme ça parce qu’ils sont allés
suivre un combat de lutte. Tout ceci doit cesser. Il faut que le CNG poursuive
son œuvre d’assainissement du milieu. Une année, je crois que c’était la saison
2010-2011, des Européens sont venus suivre des combats de lutte. C’était au
stade Iba Mar Diop. Après la chute d’un adversaire, une violente bagarre a
déclenché parmi les supporters. Des projectiles ont été jetés et ces Européens
ont été touchés à la tête. Ils ont saigné abondamment. C’était une image
indigne. Que vont penser ceux-là de notre lutte et de notre arène ? Il ne
faut surtout pas qu’on donne l’impression que nous sommes des sauvages, des
barbares chez nous. Pour un petit événement de sport, que des innocents perdent
leur vie ou qu’ils rentrent grièvement blessés et marqués à vie chez eux. Non,
l’arène soit se départir des fauteurs de trouble. Il faut qu’on soit capable
d’aller suivre un combat de lutte avec sa grand-mère, son grand-père ou son
petit-fils et rentrer tranquillement sans se faire agresser bêtement. C’est
l’image de la lutte, mais aussi de tout le Sénégal qu’il nous faut préserver».
«J’ai été charmé par les muscles saillants
de Mame Gorgui Ndiaye»
Thiam Hercule |
«Je suis moniteur de salle de gym depuis
1962. Depuis, je m’entraîne toujours. Quand j’étais plus jeune, j’étais charmé
par les muscles saillants de Mame Gorgui Ndiaye. J’ai voulu avoir de solides
muscles comme lui. Et je me suis entraîné comme une machine durant de longues
années. Le footing, les exercices d’endurance, les poids, les altères.
Aujourd’hui, à 69 ans, je n’ai pas arrêté de m’entraîner, mais je ne soulève
plus ces genres de charges. Je ne travaille qu’avec les altères légères. En
somme, je fais du sport de maintien. J’ai également une bonne alimentation très
équilibrée. Je ne me suis jamais dopé de ma vie. Je ne sais même pas ce que
c’est que le dopage. C’est ce que je conseille aux jeunes surtout les sportifs
qui sont portés sur le travail de musculation pour avoir un beau corps solide
pour le besoin du sport qu’ils pratiquent. Si on n’est pas respectueux de
certaines règles d’hygiène, on sera malade très vite et on va mal vieillir».
«Bombardier est un exemple de fidélité en
amitié»
«Vous savez, c’est la vie qui veut ça. Il
y a certaines personnes avec qui vous marchez, et après, vous-vous perdez de
vue. Il y a d’autres qui vous restent fidèles, qui ne vous quittent jamais.
C’est le cas du lutteur Bombardier de Mbour. C’est un exemple de fidélité en
amitié. Il ne m’a jamais quitté. La vie fait qu’on vit séparément, car il est à
Mbour et moi à Dakar. Mais Bombardier est toujours resté de cœur avec moi. Il
m’appelle tout le temps. Il n’hésite pas à me rendre visite chaque fois qu’il
en a l’occasion. C’est ça la vie. Ce sont deux mains qui se lavent. Pourtant,
comme lui, j’ai formé beaucoup d’autres jeunes sportifs. Des personnes que j’ai
même oubliées. Outre les sportifs, j’ai aussi eu à travailler avec des
personnes de divers milieux. L’actuel président de la Côte d’Ivoire Mr Alassane
Dramane Ouattara, l’artiste Coumba Gawlo, l’athlète Amadou Dia Bâ etc…. C’est
aussi ça notre milieu. On côtoie des personnes de diverses humeurs».
«Quand les lutteurs deviennent des
champions, ils vous oublient…»
Thiam Hercule & Tapha Tine |
«Mais quant aux lutteurs, c’est un autre
monde. Peu sont reconnaissants, très peu. Vous les aidez aujourd’hui à
atteindre le sommet, ils vous abandonnent demain en se créant d’autres amitiés,
d’autres points d’intérêts ailleurs et vous oublient royalement. Ils oublient
où ils sont quittés, ils oublient comment ils ont débuté, ils oublient ceux qui
les ont aidés à devenir ce qu’ils sont actuellement. Je ne lance pas des fleurs
à Bombardier ou parler simplement pour lui faire plaisir, mais je tiens à dire
que c’est un jeune très reconnaissant. Je ne pourrais pas lister ce qu’il a
fait pour moi. Depuis que je l’ai connu chez Amoudé Bizé en 1995 au gymnasium à
la corniche. Il n’a pas changé. Il est resté le même. Il m’a toujours dit «Nous
les Toucouleur, on ne trahi jamais» effectivement,
Bombardier est resté le même. Pourtant dans cette même salle, je formais
également d’autres grands noms de la lutte».
«Je ne compte pas sur les lutteurs pour
vivre»
«Vous savez, le travail que j’exerce me
met toujours en rapport avec les sportifs, surtout les lutteurs. On ne peut
être un grand lutteur qui gagne aujourd’hui, si on n’a pas la force physique.
Et moi j’ai une salle de gym où je les aide à se bâtir un corps de rêve. Je
suis du milieu de la lutte depuis longtemps. la jeune génération est à l’image
des anciens que j’ai formés. Mais ceux que j’ai aujourd’hui, ne connaissent
rien encore. Je les entraîne et je fais office de père, de conseiller et tout.
Je ne compte même pas sur eux pour vivre. Celui ou ceux qui brassent des millions
demain, s’ils pensent qu’ils peuvent également me donner de l’aide, tant mieux,
c’est la vie. Mais dire que je les entraîne attendant qu’ils deviennent des
champions et m’aider, non. Je ne compte sur aucun lutteur pour vivre».
«Prolifération de salles de gym : Attention
danger !»
Thiam & son neveu Papis (Roky Balboa) en pose plastique en haut
«Je donne des conseils aux sportifs.
Actuellement, il y a une prolifération de salles de gym et de façon anarchique.
Des personnes ont des sous, ils ouvrent une salle de musculation dans un
carrefour et entraînent les gens. La plupart du temps, ils n’ont pas la
qualification requise. C’est un gros danger pour les sportifs à qui je
conseille de se diriger vers des salles où les moniteurs ont une connaissance
avérée du corps humain. Plus ils savent ce qu’ils font, plus l’athlète entraîné
en bénéficie et s’en sort sans blessures graves pour sa santé. Mais ce que nous
observons, c’est que la plupart de ces gens n’ont aucune formation et entraînent
les autres, c’est grave. Si vous dosez mal une charge, ou si vous faites des
mouvements inappropriés, cela ne vous arrange pas. Le corps peut en prendre un
coup très grave. Le vrai danger, c’est quand ces sportifs vieillissent. Leur
corps aura été massacré par des faux mouvements qui ont altéré leurs vertèbres
au point qu’ils se retrouveront paralysés. Soit des membres inférieurs ou
supérieurs. Ou souffriront d’autres malaises liés à leur motricité. Ils peuvent
même avoir un arrêt cardiaque. Il faut des gens qualifiés pour entraîner dans
ces salles de gym. Sinon, c’est le danger assuré pour ceux qu’ils entraînent.
Plusieurs fois, de jeunes gens viennent me voir pour se plaindre de maux
contractés aux entraînements ailleurs. Moi, j’ai été formé par un connaisseur
du milieu. Il s’agit d’Amoudé Bizé qui par la suite était chargé de l’éducation
physique au Palais présidentiel avec le Président Abdoulaye Wade. C’est dans la
plus grande salle de gym du Sénégal, sis à la corniche, appelé le gymnasium. Je
suis un professionnel qui a fait ses preuves dans ce milieu depuis 1962, avant
même l’indépendance de ce pays».
«On ne peut être champion à vie»
Thiam Hercule & Yékini en 1997 |
«Dans la vie, chaque fois qu’il y a
position, il y a également opposition. Quand vous vous formez pour quelque
chose, d’autres se préparent pour la même chose. Et cela est valable dans tous
les domaines de la vie. La quasi-totalité de mes poulains sont tombés. Il
s’agit de Bombardier, Yékini, Tapha Tine, Tyson et bien d’autres. Mais c’est la
loi du sport. Nul ne peut être champion à vie. Tôt ou tard, on tombe sur plus
fort que soi, surtout quand on prend de l’âge. En sport de combat, l’âge est
important. Yékini, Tyson et Tapha Tine ont tous perdu face à Balla Gaye 2, et
Bombardier a perdu devant Tapha Tine. Excepté Balla Gaye 2, ce sont tous des
gens que j’ai eu à former. Ils se sont affrontés entre eux. Quant à Yékini qui
a perdu sa couronne de Roi des arènes, qu’il travaille davantage, c’est le
sport. On ne peut être champion à vie».
«Yékini, Bombardier, Ndiaga Diop, Pape
Cissé, Mansour Diop s’entraînaient dans la même salle de gym avec moi»
«Lorsque je les formais dans ma salle de
gym, Yékini et Bombardier étaient comme des frères. On chahutait ensemble, on
faisait tout ensemble dans la salle. Ils avaient décidé de ne jamais se croiser
dans l’arène. Mais ils savaient que pour avoir de l’argent, ils devaient
lutter. C’est le sport. Après leur combat, ils sont revenus dans la même salle
et se sont salués. C’est le sport. Ils ont tous deux repris les entraînements
dans la même salle chez Amoudé Bizé. Les supporters respectifs étaient chez
eux, mais les lutteurs se retrouvaient à la salle ensemble. Yékini avait gagné,
mais cela n’avait rien changé dans leur amitié, bien au contraire. Il y avait
Ndiaga Diop, Pape Cissé, Mansour Diop, Yékini, Bombardier. Eux tous
s’entraînaient dans la même salle de gym. Je les ai entraînés jusqu’à leur
départ en Italie. Il faut aussi préciser qu’avant les Yékini, il y avait les
Mor Fadam, Mouhamed Ali, Modou Pouye N°1, Sa Cadior N°1. À Colobane, j’ai aussi
eu en 1967 d’autres lutteurs comme Dialy Birama Thior, Robert Diouf (qui est
venu avec Manga 2), Toubabou Dior, Birahim Ndiaye, Mor Nguer, Double Less,
Moussa Diamé, Guèye Diop grand lutteur Sérère, sans oublier Amadou Katy Diop.
Ce sont les générations de 67, 68, 69 et 70».
«Je rends grâce à Amoudé Bizé qui m’a tout appris»
«Grâce à mon travail de moniteur de salle
de gym et préparateur physique, j’ai eu à cheminer avec tous ces grands
champions d’hier et d’aujourd’hui. Je remercie mon formateur Amoudé Bizé appelé
à l’époque, le Rambo de la rue Grasland. Il m’a permis de faire cette aventure
avec ces grands noms du sport de chez nous».
Par Mamadou KONÉ
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